Détour Kok Boru

Kok Boru - Suusamyr Valley - Kirghizstan

Kok Boru - Suusamyr Valley

Au départ il y a le projet d’une itinérance à cheval au Kirghizistan. J’emporte un boîtier. Sans projet défini. Sachant juste que les clichés de bouzkachi afghan ou de steppes mongoles saturent déjà mon regard. Je m’interdis d’y penser. Il y a toujours la possibilité que quelque chose d’autre surgisse. Ni l’attendre ni l’appeler.

Et naturellement rien ne se passe jamais comme prévu. Changement de programme. Changement d’itinéraire. En traversant la vallée de Suusamyr en voiture, j’aperçois un rassemblement sur la plaine. Un kok boru se prépare. Nous faisons demi-tour et me voilà lâché en short et basket avec mon boîtier. Comme un poisson relâché dans sa rivière.

Je ne réfléchis pas. Je déclenche. J’ai bien conscience que ces clichés que je récusais sont précisément ceux qui aiguillent mon regard. C’est même à se demander s’ils n’ont pas également façonné les gestes et les attitudes de toutes celles et ceux qui sont là, regardent, paradent, s’échauffent. Incarnations faites à l’image d’icônes primitives et que la présence d’un appareil photo finit toujours par appeler un peu.

Kok Buru - Suusamyr Valley - Kirghizstan

Kok Boru - Suusamyr Valley

Kok Buru - Suusamyr Valley - Kirghizstan 2025

Kok Boru - Suusamyr Valley

Kok Buru - Suusamyr Valley - Kirghizstan

Kok Boru - Suusamyr Valley

Kok Buru - Suusamyr Valley - Kirghizstan

Kok Boru - Suusamyr Valley

Kok Buru - Suusamyr Valley - Kirghizstan

Kok Boru - Suusamyr Valley

Nous serons partis avant que le match commence. Le cœur du sujet, le match lui-même, ne manque pas à la série. Cela a déjà été photographié. C’est cela que je souhaitais éviter. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est ce qui se tisse dans l’attente du jeu. Les circulations. Ces visages de joueurs, le sens du défi qui s’affûte, celui des enfants qui sont déjà aussi bravaches que leurs grands frères. Celui des anciens qui ont encore dans les yeux comme brûlés par le soleil, la puissance farouche des joueurs qu’ils ont été. Et puis aussi celui de ces jeunes femmes crânes, qui ne portent pas le foulard et qui ne s’en laissent pas conter. Enfin, ça, ça n’est pas sûr. Une jeune fille à cheval me regarde. Elle appelle un portrait. Son tout petit frère à pied lui dit non. Elle obtempère.

Kok Buru - Suusamyr Valley - Kirghizstan

Kok Boru - Suusamyr Valley

Le Kirghizistan est en train de se transformer. Le tourisme s’y accélère. À Son Kul, dans un camp de yourtes, de jeunes françaises montent une petite collecte pour acheter aux guides une démonstration de kok boru. Dans la vallée de Suusamyr, les yourtes commencent à être remplacées par des constructions glamping. J’imagine qu’un jour, il y aura des lodges avec, le soir, des démonstrations de jeux nomades dévitalisés, comme ailleurs des danses hawaïennes ou des fantasias.

Je songe à la citation de Richard Burton placée en exergue de Nord, le roman de Jérôme Ferrari : « le chef fanatique et son peuple barbare menaçaient de mort l’infidèle qui s’aventurait dans leurs murs – un sorcier noir ayant, raconte-t-on, vu dans les premiers pas des Francs, le déclin et la chute ». C’est peut-être une bonne idée. Toujours prendre garde à tuer l’infidèle en nous. Savoir se tenir à la bonne distance.

Kok Buru - Suusamyr Valley - Kirghizstan

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